Puisque vous avez gardé un coeur d'enfant
A la lecture de la dernière newsletter, nombre d’entre vous se sont demandé comment j’avais pu trouver une idée pareille.
Figurez-vous que je l’ai REELLEMENT trouvée en me brossant les dents, un dimanche matin, sur ma terrasse -trouvée qui ? la biche, pas l’idée…
Et comme je n’ai pas eu le fin mot de l’histoire, vous ne l’aurez pas non plus.
Désolée : la vie est pleine de frustrations.
Mais je vous avais promis de tenir compte de votre vote pour la prochaine newsletter et je tiendrai parole. La démocratie littéraire ayant parlé, vous êtes majoritairement -mais de peu- des amoureux des peluches (même un peu cadavériques) et des enfants (même un peu démoniaques).
Puisque vous vouliez une histoire mignonne et sanglante à la fois, voici une petite menterie écrite en 2000 que vous pourrez lire à vos enfants pour les endormir (et si vous n’avez pas d’enfants, prenez une jardinière ou une tasse à café, mais engueulez-la tout autant si elle ne se montre pas attentive).
Ma petite nièce vous remercie d’avoir pu compléter grâce à vous sa collection de têtes ! (image https://www.vertbaudet.fr)
Il y avait une toute petite bonne femme qui habitait dans un très grand pays tout en haut de mon parasol.
Je prends mon parasol, je le mange. Mais il me fait un trou dans la poitrine et s’échappe. Mon sang commence à couler. Je cours derrière mon parasol mais il court plus vite que moi, alors je m’arrête. Mais mon sang coule, coule, il fait un ruisseau, puis une rivière, puis un fleuve…
A l’horizon, il y a un petit village de pêcheurs. J’y prends une barque et je pars sur le fleuve. Mais mon sang continue de couler et le fleuve se transforme en mer qui devient océan et qui finit par recouvrir toute la terre.
Soudain, l’hémorragie s’arrête. Je prends un miroir au fond de la barque et je me regarde : je suis toute blanche… Alors je plonge la main dans l’eau et j’en sors un pot de peinture. Je me peins le corps, des orteils aux cheveux, et je redeviens comme avant. Ouf !
Mais voilà qu’apparaît à l’horizon un petit bateau avec mon père, ma mère, mon frère et mes sœurs. Il y a aussi une souris, passager clandestin. Elle prend son arc, elle tire. La flèche file, pfff ! m’arrive dessus et me troue le cœur. Paf ! Sonnée, étonnée, je sors mon cœur de ma poitrine : le pauvre endolori se met à pleurer. Il lui coule tant de larmes que l’océan, de rouge-rouge qu’il était, devient rouge-bleu, puis bleu comme avant.
Mon corps est aride, mon cœur est sec. Je décide de partir au désert, qui est aussi sec et aride que moi. Hélas ! J’ai beau faire trois fois le tour de la terre, je ne trouve nulle part les dunes de sable : évidemment ! Le désert est recouvert par les eaux.
C’est alors que le niveau commence à baisser, baisser… et j’apercois là-bas mon parasol qui court, avec mes larmes et mon sang qui le poursuivent ! J’attrape mon parasol, je le mange, et tout mon sang et toutes mes larmes reviennent en moi. Alors j’appuie sur le trou dans mon corps avec mes deux mains. J’appuie si fort que la peau de mes mains reste collée. Voilà : la plaie est refermée.
Mais c’est le moment que choisit la souris pour tirer une flèche enflammée qui m’embrase le crâne. Je cours, je cours jusqu’ici, je me verse un seau d’eau sur la tête et la fumée de mes cheveux tisse l’histoire que vous venez de lire.
Déjà, elle se dissipe et mes mots ne sont plus que fumée.
Mieux vaut tout oublier.
Bonne nuit, mes petits !